Empêcher les histoires “héroïques et incroyables” de tomber dans l’oubli

La lettre d’un soldat néo-zélandais sur la libération du Quesnoy est retrouvée par sa famille plus d’un siècle plus tard

« Nous avons escaladé le rempart intérieur – d’une hauteur de 12 mètres – à l’aide d’une simple échelle et votre humble serviteur était l’un des premiers à atteindre le sommet. » C’est sur ce ton enjoué que Jim Craig décrit avoir été l’un des premiers « Kiwis » à grimper la fameuse échelle lors de la libération du Quesnoy. 

Son récit du 4 novembre 1918 est détaillé dans une lettre destinée à sa mère au lendemain de la libération de la ville par les soldats néo-zélandais.

Wayne Corbett, son petit-fils, n’a eu vent des exploits de son grand-père qu’à la découverte de ladite lettre en 2020.

« Le hasard fait que nous avons retrouvé cette lettre peu de temps après l’annonce de la construction du Musée Néo-Zélandais de la Libération, lors de l’Anzac Day 2020. Ma mère a donné la lettre à mon frère, Tony, mais c’est lorsque nous avons entendu parler du musée que nous nous sommes rendu compte de son importance, » explique Wayne.

Dans sa lettre, Jim parle des « murs huileux, » conséquence des bombardements de la ville à l’aide d’explosifs contenant de l’huile récupérée dans les tanks. Cela a permis aux troupes néo-zélandaises de couvrir les remparts de fumée et d’avancer sans être repérées par les soldats allemands.

Un autre extrait décrit en détails le bonheur et le soulagement ressentis par les habitants du Quesnoy à la suite de la libération.

« La population était folle de joie », écrit Jim, « Vous auriez dû nous voir, deux autres et moi-même, envoyés pour « nettoyer » les prisonniers dans les remparts, à essayer de nous frayer un chemin à travers une foule d’hommes âgés, de femmes et d’enfants qui s’extasiaient devant nous et se pendaient à notre cou. »

Une visite émouvante

La lettre de Jim, longue de huit pages, fait écho à de nombreuses histoires partagées à Te Arawhata.

Wayne et sa femme Louise ont visité le musée courant 2024 alors qu’ils voyageaient sur le Front occidental pour rendre hommage aux soldats néo-zélandais et retracer le voyage de Jim pendant la guerre.

« Le jour où Wayne et moi avons visité Te Arawhata, » raconte Louise, « était justement le 10ème anniversaire de la mort de Doris, la mère de Wayne. C’était un moment très touchant. »

Doris et Donald, les parents de Wayne, se sont mariés à New Plymouth en 1957 et ne lui ont jamais parlé de la guerre à laquelle son grand-père a participé. Jim, qui est mort en 1986 à l’âge de 88 ans, n’en a jamais parlé non plus.

“C’est surprenant que les parents de Wayne n’en aient jamais discuté avec nous au vu de l’histoire familiale. Wayne a servi au Timor oriental et son père à Chypre. »

« Je regrette de ne pas avoir posé plus de questions, » se désole Wayne.

Il explique que la lecture de la lettre écrite par son grand-père l’a beaucoup ému et qu’elle a inspiré sa famille à effectuer des recherches plus poussées.

« Ce que j’ai gardé de ma visite à Te Arawhata est que si vous avez une lettre comme celle-ci, ou quoique ce soit d’autre, partagez-la parce qu’elle apporte quelque chose à l’histoire. Vous lui redonnez vie. »

De Taranaki au Front Occidental

Né le 28 septembre 1897 dans la petite ville de Manaia, dans le comté de South Taranaki, Jim rejoint l’armée néo-zélandaise le 24 juillet 1916. Alors mineur, il assure avoir 20 ans et 10 mois alors qu’il n’en a que 19.

Après sa démobilisation le 7 juin 1919, il reçoit la médaille de guerre britannique (« British War Medal ») et la médaille de la victoire (« Victory Medal ») pour son engagement en Europe.

Il rencontre sa future femme, Bertha, et le couple se marie le 27 décembre 1924. Jim et Bertha deviennent producteurs laitiers à Midhurst, au nord de Stratford, et exercent pendant près de 20 ans. En 1941, ils déménagent à Huiroa, à l’intérieur des terres, où ils acquièrent une ferme laitière et ovine.

« Il fumait la pipe. C’était un vieil homme adorable, » se rappelle Wayne.

Le couple a 12 enfants et Wayne s’amuse du fait que c’est aux funérailles de son grand-père qu’il s’est rendu compte qu’il avait 33 cousins.

« Ce n’était pas un grand-père très impliqué parce qu’il avait tellement d’enfants. Mais je ne me souviens pas l’avoir jamais vu en colère. Il souriait tout le temps. »

Heroic, incredible, and proud

Wayne et Louise ont visité Le Quesnoy à deux reprises lors de leur voyage en Europe car ils voulaient acheter plus de souvenirs à la suite de leur passage à Te Arawhata.

« Nous avons acheté des mugs du musée, ils sont très sympas. Wayne n’arrêtait pas de les utiliser dans le camping-car, on a donc décidé de revenir pour en acheter d’autres, » nous raconte Louise en riant.

« Les « Kiwis » devraient visiter le musée, non seulement parce qu’il vous rend fier d’être néo-zélandais mais parce qu’il permet de se rendre compte de la différence que notre pays a fait dans la vie de personnes vivant à l’autre bout du monde, » partage Wayne.

« Ce qui s’est passé ici est incroyable. Cela aide à comprendre à quel point cette histoire est importante, tout particulièrement pour les Français, et comment l’amitié entre nos deux pays est née. »

« Nous devons apprendre à ne pas répéter les horreurs du passé. Avoir une histoire positive à partager, à propos du bien qui peut ressortir de ces événements… cela laisse une empreinte. »

Pour Louise, l’ampleur des murs vieux de 400 ans était stupéfiante.

« Wayne paraissait minuscule, c’était presque impossible de l’apercevoir. Les cratères de bombes dans les murs étaient exactement comme Jim les a décrits dans sa lettre. »

“C’est vraiment ce côté ingénieux des « Kiwis, » à trouver des solutions avec des bouts de ficelles, qui est ressorti lorsqu’ils ont pensé à escalader le mur avec cette vieille échelle. Ce que ces jeunes hommes ont fait est à la fois incroyable et absolument héroïque. » Wayne continue : « Être ici, découvrir cette histoire et marcher autour des remparts donne à réfléchir. Vous restez là, debout, et ne pouvez qu’imaginer à quel point ils ont dû être nerveux. »

« J’étais tellement fier de me tenir à l’endroit même où l’échelle a été posée il y a 106 ans. »

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